10 février 2005

" Qui a fait tomber les toiles d’araignées du Jardin d’hiver, il y a plein sur le sol que j’ai nettoyé ce matin? "
Surprise Sophie revient des salons et nous questionne. Nous buvons avec Virginie et Laurence un café-blabla dans la cuisine en attente de 40 voyageurs qui descendent du coteau du Belvedere.
Effectivement c’est un évènement car grimper à 9 mètres de haut pour faire le ménage au plafond est un sport plutôt rare. J’ai une convention avec les araignées, elles peuvent vivre à partir d e de 3,75 mètres de haut (=le plafond des salons), mais plus bas elles trépassent avec le grand hérisson rouge à manche extensible.
Elles sont deux héroïnes qui font le grand ménage de printemps dans les jardins. Affolées ces curieuses ont passé la petite porte et elles volent dans un étrange ballet sur les poutres métalliques. Deux mésanges en liberté transforment cette pièce en une volière géante. De haut, les visiteuses ailées peuvent admirer le pavage en losanges. L’alternance de carrelage en ciment teinté: rouge, noir, blanc, forme un trompe l’œil d’étoiles ou de carreaux qui forme des marches imaginaires. Les mésanges chasseuses de toiles d’araignées passent dans les chaînes dorées des grands lustres fabriqués en Egypte. Leur ombre la nuit projète des dentelles d’arabesques sur tous les murs.
Hommage soit rendu à Lili de Nantes qui m’a permis de les racheter et je me souviens d’un coffre de 4L débordant de 4 lustres de métal ajouré lorsqu’elles ont ramené un Noël ma commande au festival des allumés.

Je parie que la visite officielle des mésanges est en honneur de mes voisins invités cet après-midi. Ils mesurent moins d’un mètre et je leur demande d’entrer en silence dans cette volière inattendue. Cette peuplade de petits visiteurs est encadrée par la directrice de l’école et des parents ravis de l’aubaine. Ils viennent en repérage faire une initiation aux lieux, aux décors mauresques et aux jardins. En mars, ils reviendront faire des photos aux sténopés.
Les mésanges de leurs regards noirs nous toisent, elles font des piquets vers le bassin de marbre blanc où le philodendron trempe ses racines pour se désaltérer comme les papyrus et les fougères. Les autres vedettes sont bien sur les cinq poissons rouges qui hibernent au fond du bassin. Pour vingt petits, c’est tentant de mettre les mains dans l’eau glacée en essayant de récupérer les pièces jaunes au fond du bassin. Pas touche ! ce sont des porte-bonheur. Comment expliquer à ces voyageurs la chance de partager des moments précieux, heureux?
Dans le salon, nous observons perroquets, oiseaux du paradis et les oiseaux peints sur les murs de papier. Le paradisier est l’emblème de la Papouasie, certains se souviennent que leurs parents ont lu dans le journal que nous avons accueilli des papous qui portaient des coiffures de plumes, l’année passée.
Nous rions aux éclats dans les salons car leurs cheveux sont tachés de rouge, puis de jaune et de vert dans la salle à manger… Les reflets des verres de couleurs les transforment, une tache sur un vêtement peut s’apprivoiser et tenir au cœur d’une main, un visage peut porter le reflet du cœur bleu aux croisées de chaque porte-fenêtre. Les natures mortes peintes sur les murs les intriguent. Nous jouons à deviner quels sont les fruits exotiques: ananas, mangue, figues, raisins avec dans le fond d’une jungle exubérante, de palais mirifiques.

Nous croisons nos deux groupes avec Sophie devant les cadrans solaires. Les enfants apprennent à lire les chiffres et l’heure est un vaste mystère quant au temps du soleil calculé pour la maison des étoiles c’est un trou noir d’incompréhension. Nous parlons beaucoup d’animaux devant les signes du zodiaques. Nous observons la tonnelle d’actinidias, les kiwis ont un franc succès.
" A quoi servait ce bassin en forme d’octogone de pierre blanche, à double niveau avec en partie basse, un bac avec une sculpture de dauphin dont le jet d’eau est tari? ". Un piédiluve, un baptistère , une fosse à caïmans, un bassin à cygnes noirs, nous rions des réponses imaginaires.
Dans ce parcours adapté aux enfants, les questions animent un vaste jeux alors qu’ils n’ont pas la notion du temps passé. C’est donc la demeure de charme bâtie par Joseph, de l’époque du grand-père de leur grand-père, qui devient le cadre du roman de Rosine, Marie-Jeanne, ou Jeanne Maire ses amoureuses. Ces héros anonymes permettent que cette visite historique devienne un conte. Pour eux une guide devient Shérazade qui les entraîne dans des histoires vraies dans des décors oniriques.
Nous imaginons d’autres animaux en vacances dans les jardins en terrasse: les gendarmes rouges à points noirs et les colonies de fourmis et de lézards dont c’est le royaume. Ils me proposent des tortues, des fennecs, des autruches et des chameaux évidemment!
Mais ils sont déçus de ne pas voir les grenouilles dans leur bassin . " Comment savoir, si jamais une grenouille se métamorphosait en beau prince ? ". Je leur promets de les inviter à nouveau pour venir écouter un concert de grenouilles vertes amoureuses lorsque le grand magnolia centenaire sera en fleur en juin.

Le microcosme végétal fonctionne comme une jungle miniature. Ils cherchent les noms d’enfants gravés dans le béton sous les pieds des tonnelles. Ils comptent les constellations d’étoiles. Ils remarquent la lune bleue qui sort de terre, tous les détails les intriguent. Le lierre grimpe pour faire un manteau de feuilles sur le grand lézard de grillage. Ils jouent dans les pavés japonais en or gris. Dans le jardin bleu, ils se souviennent qu’un petit groupe était venu planter des graines bleues qui ont disparu avec la canicule. D’autres se souviennent quand les 60 enfants de l’école sont venus arroser le cèdre du Liban en 2001 qui a été planté avec l’aide des jardiniers de la ville de Grenoble.
L’institutrice leur rappelle le petit film tourné autour du Tilleul de Sully de 4 siècles. Ils faisaient la ronde autour du Seigneur Tilia, le plus ancien des arbres de Chartreuse. Il nous reste en témoignage cette grande sculpture de Jean Rosset " la Bête du Grésivaudan " et les sculptures de tilleul de Joël Bressand.
Sur la ligne d’or qui représente au sol " le méridien de la Casamaures ", les gones s’alignent et tentent maladroitement de jeter une piécette dorée pour faire un vœux dans le bassin des astres. Les rires en cascades des lutins ricochent sur les murs de l’Orangerie, la mémoire des murs enregistre ce moment de bonheur enfantin sous un grand soleil. En 24 ans de bénévolat dans ce vaste chantier, je n’ai jamais reçu de salaire. Ces rires sont mes encouragements, c’est grâce à eux que je sais que je dois continuer à me battre à rénover cette ruine photogénique.
Avec un sourire édenté une jolie blondinette me dit " ta maison bleue, c’est une maisonnée de l’arc-en-ciel ! "
Petits oiseaux visiteurs

1 Comments:

jef said...

Magnifique , le passage des mésanges. Ca porte bonheur

14/2/05 00:39  

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