28 février 2005

Rédaction d'un article avec Sophie
"Vivre le Patrimoine Mémoire du Futur"
Malgré les difficultés, ils sont nombreux et organisés les défenseurs du Patrimoine français dont la moitié est sauvée grâce à des privés et des associations culturelles. Créée en 1958, l'association nationale Vieilles Maisons Françaises joue au sein de 95 délégations un rôle fédérateur. Lors du lancement du dernier numéro de sa prestigieuse revue consacrée au Dauphiné, Alice du Besset, déléguée départementale, a rappelé que derrière les trois lettres VMF apparaissait aussi une mission pour l'avenir de la culture. La cérémonie officielle, en présence de Christian Pichoud, Vice-président du Conseil général chargé du Tourisme, et de Jean Guibal, président de la Conservation du Patrimoine de l'Isère, a eu lieu au Musée Hébert. La demeure atelier du peintre du XIXème siècle, retrace la vie d’un contemporain du grenoblois Joseph Jullien dit Cochard qui, le 27 janvier 1855, acheta le terrain de "La Guinguette"au bord de l'Isère,(acte fondateur d’une utopie appelée depuis deux décennie La Casamaures).

Le magazine s'intéresse une nouvelle fois à notre région, à ces monuments institutionnels chargés d'histoire comme le château de Vizille ou la Grande Chartreuse. Or Marie-Claire Colignon, la rédactrice en chef, a également cherché, avec l'aide du Comité Départemental du Tourisme, à emmener le lecteur hors des sentiers battus, à la rencontre de sites méconnus. Si les photographies font la part belle aux paysages, le Grenoble du XIXe siècle lié à l'histoire du ciment n'est pas oublié. Premier monument historique construit en béton en France, La Casamaures est mise à l'honneur dans 5 pages et photos de ce numéro.
Témoin exceptionnel du savoir-faire des mouleurs de ciment grenoblois, la villa est aussi un petit bijou d'architecture orientaliste.
C'est en ces termes qu'était décrite cette double richesse par Christian Dupavillon, directeur du Patrimoine au Ministère de la Culture en 1992 lors de l'extension du classement monument historique de 1986 :"Considérant que la conservation de La Casamaures à Saint-Martin-le-Vinoux (Isère) présente au point de vue de l'art et de l'histoire, un intérêt public, en raison de sa richesse architecturale et de la qualité des décors intérieurs".

Cette façade si photogénique en habit de lumière et de couleurs n'en est pas moins menacée. Des inspecteurs nationaux des Monuments Historiques viendront mi-mars aux côtés de représentants de la D.R.A.C Rhône-Alpes examiner les plans d'Alain Tillier, architecte en chef, pour les futurs chantiers de restauration des façades.
La menace des échangeurs autoroutier relayée par le magazine dans le monde de la francophonie, n'a pas échappé à Philippe Toussaint, Président des Vieilles Maisons Françaises ". Lors de sa visite du petit palais orientaliste en compagnie d’Alice du Besset et de Marie-Claire Colignon, il a assuré à l'association La Casamaures d'hier et d'aujourd'hui de son soutien énergique pour conserver ce chef-d’œuvre-en-péril et son ancien parc toujours en friche malgré vingt ans d’arrêtés du ministère de la culture.
Vieilles Maisons Françaises

24 février 2005

Delphine m'a dit en souriant la dernière fois que je l'ai embrassée: "je crois que j’ai 89 ans, moins un mois!"

La plus ancienne adhérente de l’association de la Casamaures depuis 1985, a disparue dans un décor de neige comme un beau linceul paisible. Sur son bureau dans sa dernière chambre, une photographie prise sur les escaliers du parvis de l’Orangerie, rassemblait toute sa tribu de meylanais, petits enfants et arrières petits, des Guichard et des Perroud. Beaucoup garderont des souvenirs souriants d’une femme " romanesque "qui racontait volontiers des histoires de sa jeunesse de saint-martinière.

Son enfance ressemble à un roman : "La Petite Marie de la cité des cheminots de la Buisserate ". Toute la marmaille jouait dans la rue des immeubles ouvriers et les petits jardins familiaux. Sa fierté était son certificat d’étude obtenue avec une première mention à douze ans, à l’école du village de Saint-Martin-le-Vinoux. Trop vite elle fut obligée d’assurer son premier travail dans un atelier où les petites filles cousaient des boutonnières, alors qu’elle aurait tant aimé être une institutrice pour donner le goût d’apprendre, de lire des romans comme La dame aux camélias. En d’autres époques, elle aurait été exploratrice, institutrice en Afique, mais il y avait des bouches à nourrir et le travail des enfants était vital pour une famille nombreuse de 7 enfants.
Mais il y avait aussi les premières crises d’asthme, le manque de docteur et d’argent pour acheter les médicaments!. Elle était bien méritante de l’avis de ses vieux amis pour dépasser les coups durs et aider ses frères et sœurs. Le nom de la rue Jean Perroud garde le témoignage de ce frère bien-aimé déporté et torturé. Tout le monde s’appelait par des surnoms avec Camille, Charli, Lili, Soso et Dédé pompier bénévole de Saint-Egrève. Des frères si jeunes patriotes qui vécurent la Résistance des maquis de Chartreuse, sous la protection de Jean-le-menuisier " cheminot pauvre mais un travailleur si intègre ". Au cœur de sa vie, il y a toujours eu sa maman Marie avec une tresse en chignon et aux beaux yeux bleus qui ont aussi trop pleurés… En son honneur pousse un grand rosier bleu Charles de Gaulle, qui fleurit mauve sur le mur de la Résistance dans les jardins de la Casamaures.

Son histoire témoigne de la vie dure de toute une époque d’ouvriers qui ont connu 1936, les guerres, les bombardements de la Buisserate. Aux cités elle avait épousé un paysan de Meylan, le jour de ses 20 ans. Devenue sténo-dactylo grâce aux cours du soir, elle rejoignit la culture d’entreprise des " Mergères", et plus tard ses bonnes collègues des ASSEDIC.
Elle répétait "j’ai la mémoire qui flanche", tout en citant De gaulle qui disait: " la vieillesse, c’est un naufrage, c’est triste comme un bateau qui sombre…".
Mamie Pâquerette était un peu " fleur bleue " et savait réciter par cœur les poèmes et toutes les paroles des chansons de sa jeunesse, elle savait sourire et charmer surtout les jeunes ! Mais elle refusait que trois enfants aient aussi des cheveux blancs ! Protectrice, elle a privilégié ses trésors de petits-enfants.
Elle manquait de souffle, mais avait un grand cœur généreux et des fantaisies, elle collectionnait les prénoms. Sa passion était pour les couleurs, les tableaux qui la faisait rêver de voyage aux antipodes.


Dimanche 24 avril, en hommage à "Delphine poussière d’étoile qui croyait aux anges et aimait les couleurs de l’arc-en-ciel", nous invitons ceux qui ont partagé ses bons moments. Un livret de recueil de ses témoignages sur la vie locale et des photos d'époque sont rassemblés, à nous de le compléter.
Nous planterons un rosier bleu du souvenir. Ainsi à La Casamaures, nous garderons une image vivante de Marie paquerette. Sous le souffle du vent, une bonne odeur de roses de Perse nous fera penser avec émotion à cette lignée de femmes courageuses.
Les rosiers bleus de Delphine et Marie

12 février 2005

Cette année historique,j’essaye de mieux ranger la multitude de dossiers qui envahissent mon bureau.
Je retrouve une lettre officielle d’un fonctionnaire du ministère de la culture qui a beaucoup compté car il a vécu toutes les péripéties de la protection d’une ruine devenue monument historique. Il a été très surpris par l’inscription à l’inventaire supplémentaire en juillet 1985, par la COREPHAE de Lyon. Puis l’arrêté Monument historique le 5 mai 1986. En tant qu’architecte des Bâtiments de France, chef du Service Départemental de l’Architecture du département de l’Isère, il avait en charge de suivre tous les chantiers d’entretien de l’architecture et aussi d’assurer la protection des abords, (ce fameux périmètre de 500 mètres de la loi de 1913 menacé depuis la régionalisation par les projets urbanistiques des élus de tous bords).

Lettre officielle du 12 Février 1986

" Mon service a été avisé par la direction régionale des Affaires culturelles que la maison orientaliste de votre commune, la Casamaures a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques lors de la dernière commission régionale du patrimoine historique archéologique et ethnologique, suite à la demande de ses propriétaires.
D’autre part, le dossier a été transmis à Paris à la commission supérieure des monuments historiques pour son classement en tant que monument historique.

Cette construction est très intéressante comme témoignage bâti de l’époque orientaliste et comme prouesse de ciment prompt naturel.
Cette reconnaissance de qualité implique que "les abords soient reconsidérés pour favoriser la présentation de ce monument car à l’heure actuelle, les abords immédiats sont d’une présentation totalement défectueuse !.

Je vous demanderai donc de prévoir une évolution des terrains alentour permettant de remettre cet édifice dans son écrin de verdure et de ne pas pérenniser l’état actuel avec des hangars et des terrains vagues..
Je vous prie d’agréer, monsieur le maire, l’expression de mes salutations distinguées

Je me tiens à votre disposition pour approfondir ce problème.

Jean-Louis Boubert, chef du Service Départemental de l’Architecture.

19 ans plus tard, nous attendons tous l'application des lois et des projets de valorisation de l'ancien parc par les élus...
Lettre 12.2.1986, SDA protection des abords MH ?

11 février 2005

Sur les marches usées d'un palais, les rires des enfants voyageurs
Saint martiniers scolaires

10 février 2005

" Qui a fait tomber les toiles d’araignées du Jardin d’hiver, il y a plein sur le sol que j’ai nettoyé ce matin? "
Surprise Sophie revient des salons et nous questionne. Nous buvons avec Virginie et Laurence un café-blabla dans la cuisine en attente de 40 voyageurs qui descendent du coteau du Belvedere.
Effectivement c’est un évènement car grimper à 9 mètres de haut pour faire le ménage au plafond est un sport plutôt rare. J’ai une convention avec les araignées, elles peuvent vivre à partir d e de 3,75 mètres de haut (=le plafond des salons), mais plus bas elles trépassent avec le grand hérisson rouge à manche extensible.
Elles sont deux héroïnes qui font le grand ménage de printemps dans les jardins. Affolées ces curieuses ont passé la petite porte et elles volent dans un étrange ballet sur les poutres métalliques. Deux mésanges en liberté transforment cette pièce en une volière géante. De haut, les visiteuses ailées peuvent admirer le pavage en losanges. L’alternance de carrelage en ciment teinté: rouge, noir, blanc, forme un trompe l’œil d’étoiles ou de carreaux qui forme des marches imaginaires. Les mésanges chasseuses de toiles d’araignées passent dans les chaînes dorées des grands lustres fabriqués en Egypte. Leur ombre la nuit projète des dentelles d’arabesques sur tous les murs.
Hommage soit rendu à Lili de Nantes qui m’a permis de les racheter et je me souviens d’un coffre de 4L débordant de 4 lustres de métal ajouré lorsqu’elles ont ramené un Noël ma commande au festival des allumés.

Je parie que la visite officielle des mésanges est en honneur de mes voisins invités cet après-midi. Ils mesurent moins d’un mètre et je leur demande d’entrer en silence dans cette volière inattendue. Cette peuplade de petits visiteurs est encadrée par la directrice de l’école et des parents ravis de l’aubaine. Ils viennent en repérage faire une initiation aux lieux, aux décors mauresques et aux jardins. En mars, ils reviendront faire des photos aux sténopés.
Les mésanges de leurs regards noirs nous toisent, elles font des piquets vers le bassin de marbre blanc où le philodendron trempe ses racines pour se désaltérer comme les papyrus et les fougères. Les autres vedettes sont bien sur les cinq poissons rouges qui hibernent au fond du bassin. Pour vingt petits, c’est tentant de mettre les mains dans l’eau glacée en essayant de récupérer les pièces jaunes au fond du bassin. Pas touche ! ce sont des porte-bonheur. Comment expliquer à ces voyageurs la chance de partager des moments précieux, heureux?
Dans le salon, nous observons perroquets, oiseaux du paradis et les oiseaux peints sur les murs de papier. Le paradisier est l’emblème de la Papouasie, certains se souviennent que leurs parents ont lu dans le journal que nous avons accueilli des papous qui portaient des coiffures de plumes, l’année passée.
Nous rions aux éclats dans les salons car leurs cheveux sont tachés de rouge, puis de jaune et de vert dans la salle à manger… Les reflets des verres de couleurs les transforment, une tache sur un vêtement peut s’apprivoiser et tenir au cœur d’une main, un visage peut porter le reflet du cœur bleu aux croisées de chaque porte-fenêtre. Les natures mortes peintes sur les murs les intriguent. Nous jouons à deviner quels sont les fruits exotiques: ananas, mangue, figues, raisins avec dans le fond d’une jungle exubérante, de palais mirifiques.

Nous croisons nos deux groupes avec Sophie devant les cadrans solaires. Les enfants apprennent à lire les chiffres et l’heure est un vaste mystère quant au temps du soleil calculé pour la maison des étoiles c’est un trou noir d’incompréhension. Nous parlons beaucoup d’animaux devant les signes du zodiaques. Nous observons la tonnelle d’actinidias, les kiwis ont un franc succès.
" A quoi servait ce bassin en forme d’octogone de pierre blanche, à double niveau avec en partie basse, un bac avec une sculpture de dauphin dont le jet d’eau est tari? ". Un piédiluve, un baptistère , une fosse à caïmans, un bassin à cygnes noirs, nous rions des réponses imaginaires.
Dans ce parcours adapté aux enfants, les questions animent un vaste jeux alors qu’ils n’ont pas la notion du temps passé. C’est donc la demeure de charme bâtie par Joseph, de l’époque du grand-père de leur grand-père, qui devient le cadre du roman de Rosine, Marie-Jeanne, ou Jeanne Maire ses amoureuses. Ces héros anonymes permettent que cette visite historique devienne un conte. Pour eux une guide devient Shérazade qui les entraîne dans des histoires vraies dans des décors oniriques.
Nous imaginons d’autres animaux en vacances dans les jardins en terrasse: les gendarmes rouges à points noirs et les colonies de fourmis et de lézards dont c’est le royaume. Ils me proposent des tortues, des fennecs, des autruches et des chameaux évidemment!
Mais ils sont déçus de ne pas voir les grenouilles dans leur bassin . " Comment savoir, si jamais une grenouille se métamorphosait en beau prince ? ". Je leur promets de les inviter à nouveau pour venir écouter un concert de grenouilles vertes amoureuses lorsque le grand magnolia centenaire sera en fleur en juin.

Le microcosme végétal fonctionne comme une jungle miniature. Ils cherchent les noms d’enfants gravés dans le béton sous les pieds des tonnelles. Ils comptent les constellations d’étoiles. Ils remarquent la lune bleue qui sort de terre, tous les détails les intriguent. Le lierre grimpe pour faire un manteau de feuilles sur le grand lézard de grillage. Ils jouent dans les pavés japonais en or gris. Dans le jardin bleu, ils se souviennent qu’un petit groupe était venu planter des graines bleues qui ont disparu avec la canicule. D’autres se souviennent quand les 60 enfants de l’école sont venus arroser le cèdre du Liban en 2001 qui a été planté avec l’aide des jardiniers de la ville de Grenoble.
L’institutrice leur rappelle le petit film tourné autour du Tilleul de Sully de 4 siècles. Ils faisaient la ronde autour du Seigneur Tilia, le plus ancien des arbres de Chartreuse. Il nous reste en témoignage cette grande sculpture de Jean Rosset " la Bête du Grésivaudan " et les sculptures de tilleul de Joël Bressand.
Sur la ligne d’or qui représente au sol " le méridien de la Casamaures ", les gones s’alignent et tentent maladroitement de jeter une piécette dorée pour faire un vœux dans le bassin des astres. Les rires en cascades des lutins ricochent sur les murs de l’Orangerie, la mémoire des murs enregistre ce moment de bonheur enfantin sous un grand soleil. En 24 ans de bénévolat dans ce vaste chantier, je n’ai jamais reçu de salaire. Ces rires sont mes encouragements, c’est grâce à eux que je sais que je dois continuer à me battre à rénover cette ruine photogénique.
Avec un sourire édenté une jolie blondinette me dit " ta maison bleue, c’est une maisonnée de l’arc-en-ciel ! "
Petits oiseaux visiteurs

09 février 2005

Mercredi 11h: Rencontre signalétique au rond point des petits palmiers.
Lorsque l’on est en frontière en deux communes, il est difficile de faire se rencontrer les fonctionnaires des services techniques de Grenoble et de Saint-Martin-le-Vinoux. Officiellement il est interdit de placer des panneaux le long des routes, oui mais comment signaler l’entrée d’un monument ? Il s’agit de faire placer une signalétique cohérente pour améliorer l’accueil des automobilistes. Toute une énergie, des courriers pour convaincre élus et faire appliquer aux responsables en respectant la sécurité routière Au total 3 panneaux à Grenoble, 2 de l’autre coté des fortifications avec le labyrinthe logo des Monuments Historiques. .
Que de travail dans les coulisses pour mettre aux normes " la commune libre de la Casamaures ! ".


14h: J’attendais avec impatience la visite annuelle du Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine;
Cette année cela fait 20 ans que cette architecture est sous la protection du ministère de la culture. (juillet 1985 inscription, janvier 1986 arrêté de classement).
C’est toujours la même architecture mais sous un regard technique celui d’un ingénieur spécialiste du patrimoine.
Denis Grandclerc découvre 24 ans de chantiers. Il était venu a un spectacle de conte il y a une décennie, il félicite de l’ampleur des réalisations, même si je trouve que c’est trop lent vu mes finances. La maison a grandit selon les voisins en bas à l’Orangerie, coté ouest, coté Est avec les dentelles de béton. Avec les garde-corps des terrasses l’implantation théatralisée en gradins donne cette impression certainement recherchée de " Jardin de Babylone ". C’est un décor au bord d’une rivière, aujourd’hui au bord d’une autoroute, c’est un beau restauroute.
- Grands chantiers sous la conduite de l’architecte en chef M. Botton consolidation des deux terrasses 96. 99 et l’Orangerie2000.
- les chantiers d’entretien Sous contrôle de la SDAP : des menuiseries, la porte d’entrée, les façades coté rue de la Résistance. ..
Il regarde plus particulièrement les 3 chantiers réalisés en 2004
Les artisans sont Avenier : mouleur de ciment d’Echirolles, Billon : marbrier du bassin de Grenoble et Jehenne : peintre des plinthes de la salle à manger.
En tant que maître d’ouvrage, je finance 40% autant que l’Etat 40%, le conseil général de L’Isère 20% …
- En plus il y a l’étude sanitaire de monsieur Tillier, architecte en chef 14 000 euros.
Nous parlons de la liste de chantiers en attente, continuer la peinture dans les salons, faire réaliser des portes, des fenêtres, mettre du verre de couleur au premier étage, consolider la façade de bois du jardin d’hiver, la repeindre en extérieur…
Le grand défi sera de restaurer les façades principales et repeindre des kilomètres de liseré bleu outremer…

Nous parlons du manque d’information des élus et du public sur le quotidien des monuments historiques privés qui prennent en charge 48,8 % du patrimoine français.

Par exemple un privé n’est absolument pas obligé d’ouvrir aux visites un monument (protection contre les cambriolages qui suivent malheureusement chaque journée du patrimoine en septembre).
Le propriétaire est un " conservateur bénévole " qui paye des impôts fonciers, des taxes d’habitation et la TVA. Quand on imagine en 24 ans l’ampleur des TVA alors que les portes brûlées des salons ne sont toujours pas refaites ! Aucune aide sur la mise aux normes des réseaux d’eau et d’électricité, les plantations de jardin …
Dans certaine région, on subventionne pour avoir un chauffage qui assainit. Un chauffage solaire sur le toit du jardin d’hiver offrirait une climatisation et empêcherait l’humidité d’atteindre les plâtres et déliter les papiers panoramiques.
La liste est bien longue de tout ce qui me reste à financer, à restaurer. Souvent je suis tellement découragée par la lourdeur des dossiers, la passivité des élus pour protéger les abords… Quelle patience ou utopie il faut pour continuer. J’habite rue de la Résistance et j’ai l’impression de déplacer les montagnes de l’indifférence.

RV Jeudi 16h j’irai au conseil général, à la direction des affaires culturelles pour remettre mes doubles de factures à madame Weihoff, une fonctionnaire sérieuse qui m’encourage sachant combien c’est difficile tous ses papiers et à quel point il faut jouer au banquier et avancer les factures aux artisans avant de recevoir les retards de subventions. C’est une fuite en avant où tous minimisent les soucis pour pousser l’apathie des structures. Je suis un Petit Poucet qui perd volontairement ses cailloux blancs pour créer un chemin de vie.
Par rapport au tunnel sous la Bastille, c’est l’impossible combat de David et Goliath. Les nuits d’insomnie, je pense à l’épée de Damoclés des échangeurs autoroutiers, comment retrouver le fil d’Ariane des splendeurs d’antan? Quant aux travaux de couture de Pénélope, je n’en vois pas la fin dans ma grande et belle galère tissée de rêve. Qui pourra m’aider à consolider un château de sable ?….
Chantiers d’entretien, grands chantiers et signalétique

06 février 2005

Arrivée de la première stagiaire de l’année, Virginie une blonde savoyarde en première année en BTS tourisme au Lycée Lesdiguières de Grenoble.
L’association doit impérativement développer ses visites de groupe pour pouvoir financer le poste de guide et c’est grâce à toutes nos heures de bénévolat que ce monument continue à ouvrir aux voyageurs. Pendant trois semaines Virginie vivra en terrain très concret à mille lieux des moyens des institutions, entre les théories sur le tourisme et la galère au quotidien. Elle constatera et apprendra la culture et l’éducation à deux vitesses. L’écart entre les discours et la pénurie de moyens dans les associations culturelles.
Premier exercice: un article pour communiquer sur les ouvertures du monument et l’accueil des stagiaires à longueur d’année. L’association n’est pas subventionnée pour encadrer des stagiaires, tous les dossiers d’étudiants depuis tellement d’année, c’est la face cachée d’un bénévolat pour essayer de pérenniser ce lieu entre une initiative individuelle de sauvegarde du patrimoine et une reconnaissance d’intérêt publique par le Ministère de la culture. Les porteurs de projet sont des anonymes aux volontés tenaces, sans dextérité commerciale ou bagout politique. Il est vrai que beaucoup d’association patrimoniale désespèrent en voyant se dégrader, sous le regard de tous, nos biens culturels.
Le ministre de la culture a rendu publique la liste des 178 MH sur les 400 appartenant actuellement à l’Etat. Ils sont concernés par un possible transfert de propriétés au profit des collectivités locales.
www.culture.gouv.fr

article de Virginie : UNE ECOLE DU PATRIMOINE A LA CASAMAURES

Le 27 janvier 1855, un grenoblois Joseph Jullien Cochard acheta un terrain: LA GUINGUETTE au bord de l’Isère. Il y a 150 ans commençait l’aménagement d’un parc exotique, suivi de la construction d’un palais aux mille et une facettes. Grâce à La Casamaures d’hier et d’aujourd’hui, ce rêve d’orient et d’amour est valorisé au fil des années et devient une école du patrimoine reconnue.

En février, de nouveaux stagiaires arrivent dans ce monument atypique. Virginie, étudiante en BTS Tourisme au lycée Lesdiguières participera à l’accueil du public au côté de Sophie Journet, la permanente médiatrice du patrimoine.
Delphine, de l’ESAIL (Ecole Supérieur d’Architecture d’Intérieure de Lyon), y prépare son diplôme sur l’Or Gris Grenoblois. Aurélie, Katell, Julien, sont trois étudiants en BTS au lycée horticole de Saint-Ismier qui contribueront à la valorisation du jardin et à la construction d’une tonnelle où sera plantée une collection de passiflores bleues. Tous ces jeunes intéressés par ce patrimoine multicolore renseigneront avec plaisir les visiteurs pendant les vacances scolaires.

Tout le printemps, il y aura des visites chaque mardi pendant la fermeture des musées départementaux et chaque mercredi à 14h pour vous faire découvrir ce petit palais orientaliste. Le parcours commenté, d'une durée de 1h30, se déroule sur trois niveaux. Désormais, les visiteurs prennent l’habitude de garer leurs voitures à proximité de la célèbre statue sculptée par Maurice Lipsi en Mai 1968, pour le Symposium des Jeux Olympiques, à côté de la bretelle d’accès de l’autoroute A48 (8bis Av. Général Leclerc, 38950 Saint-Martin-le-Vinoux).

L'association et ses stagiaires animent ce monument d’Or Gris en proposant des stages de "sténopéphotographie " qui accueilleront des artistes fin février, puis les enfants de l’école du village en mars. Tous pourront ainsi découvrir le mystère de la photographie au XIXème et réaliser des prises de vue constituant un état des lieux en 2005 Un parcours de photo sera exposé dans le jardin pour le 2 avril, fête de 20 ans d’activités associatives de La Casamaures d'Hier et d'Aujourd'hui. Toute la jeune équipe sera ravie de pouvoir partager avec vous ce voyage exotique, atypique dans le paysage des montagnes enneigées.
Une école du patrimoine

04 février 2005


Improbable rencontre de globe-trotters
Papous & chameaux

03 février 2005

En sortant des imptots ce matin, je demande à la plus sérieuse des fonctionnaires qui vérifie strictement les colonnes de chiffres, si elle est venue visiter les lieux ? Elle se souvient précisément que nous avons accueilli aussi des papous, c’était même dans le journal ! Finalement, elles se révèlent très sympathique, curieuse de culture du monde.

Les papous sont les visiteurs qui m’ont le plus marqué malgré les barrières des langues. Ils sont obligés de rebâtir leur maison de terre tous les trois ans avec les dégradations des pluies. Ici notre demeure était si vieille qu’à leurs yeux, c’était inimaginable. De plus j’avais mis des enregistrements d’oiseaux de Papouasie pour leur faire plaisir, écouter des oiseaux sans les voir quelle surprise ! Découvrir des oiseaux peints sur les murs les fit hurler de plaisir en découvrant le célèbre oiseau du paradis. C’est leur emblème national, ému le plus fort m’a offert un billet de banque où l’oiseau de couleur est représenté. Dans leurs coiffes traditionnelles, ils piquent des plumes multicolores et bien sur, la plus recherchée pour la beauté de sa forme et de ses couleurs est celle précieuse de notre oiseau aux plumes d’or. Dans les villages, ils séparent les cases des hommes de celles de femmes. Ils me regardent d’un respect dû au chef avec beaucoup de formules de politesse, mais ce doit être difficile à comprendre mon autonomie pour ces polygames. Nous avons communiqué par les gestes quand nous avons joué avec les projections de lumières des vitres de couleurs sur leurs habits. Le collectif d’accueil leur avait trouvé plein de vêtements pour se protéger des frimas de l’hiver et leurs chaussures étaient immenses pour leurs pieds larges de chasseurs habitués à marcher en forêt. Ces hommes des bois étaient impatients d’aller voir la neige, et la mer aussi, une curiosité d’enfants avides d’extrêmes. Le traducteur m’a rapporté qu’ils trouvaient que mes poissons rouges sont bien petits pour être mangés tout en mangeant mes cerises à l’eau de vie comme des bonbons
Fonctionnaires et papous

02 février 2005

LE ROMAN D’UN LE BATISSEUR GRENOBLOIS EPRIS D’ORIENT
dont la vie mouvementée est marquée par trois femmes officielles et de multiples métiers.

JOSEPH JULLIEN DIT COCHARD est un illustre inconnu, un conscrit de Victor Hugo, d’Hector Berlioz, de Prosper Mérimée. Tous les visiteurs se posent la question quelles sont les motivations de son rêve demeure, qui a influencé cet autodidacte en pleine époque coloniale. Il a vécu l’évolution d’une petite cité provinciale qui a l'orgueil d'avoir vu de grands innovateurs comme les frères Champollion, Louis Vicat, Aristide Bergès…

La jeunesse grenobloise d’un autodidacte.
Né de père inconnu le 13 pluviôse de l'An XI, (le 2 février 1803), rue de Turenne à Grenoble, Joseph Jullien a connu 83 ans d’histoire locale. Enfant naturel d’une couturière, Mélanie Jullien. Son grand-père maternel éperronier le forme au métier maréchal-ferrant.Il se déclare "maréchal" de 1817 à 1827.

De 1827 à 1830, il est lieutenant de cavalerie dans la Garde Nationale, il reste au contact des chevaux en tant qu’expert vétérinaire.
Puis il reprends son métier Maréchal ferrant de 1830 à 1861 où dans ses locaux rue de France.

L’existence de Joseph Jullien dit Cochard (patronyme de son père présumé) est étroitement liée aux femmes qu’il a aimées.
Le 30 mai 1832, à 29 ans, il épouse Rosine jeune couturière de quinze ans. Elle mourra quatorze ans plus tard sans lui avoir donné d’enfants.

Veuf depuis 1846, il se marie en secondes noces avec Jeanne Marie.
Le couple habite le centre de Grenoble place Grenette et possède des biens immobiliers. Sa cousine est " marchande de nouveautés " dans sa boutique " Modes " au 12 place Grenette qu’on peut voir sur une gravure d’époque.
Lors du contrat de son deuxième mariage en 1849,il se déclare "entrepreneur de messageries" du service des dépêches de Grenoble à Lyon, chez Mazuyer.
Les actes pour ses transactions sont nombreux entre les achats et vente de locaux au gré de sa fortune, ainsi que les contrats de négoce dont les engagements de fournir "fourrage et pains de troupe à la ration" avec l'administration de la Guerre.
Puis il se lance dans des spéculations immobilières, devenu "propriétaire rentier" en 1855, il reste étroitement lié au "commerce de peaux", dont il perçoit des commissions.
Il acquiert à Saint-Martin-le-Vinoux le terrain de " La Guinguette " composé au début de 25 ares achetés pour 14 000 francs avec jardin, treilles, terrasse et bâtiments en pierre et la maison du jardinier situés en bordure de la route impériale.
Les Jullien souhaitent y faire édifier leur résidence secondaire, une villa de plaisance. La mode du retour à la nature est européenne de l’aristocratie, les noveaux bourgeois et tout le monde culturel. Elle devient très populaire dans les quotidiens de l’époque qui retracent la vie des artistes voyageurs. Les botanistes sillonnent le monde à la recherche de l’exotisme végétal de Jussieu ou de Magnol qui implantera le magnolia (visible sur la place de la convention (place de Verdun) et dans les jardins en terrasse de la villa mauresque).
Grenoble est alors une cité bruyante et malodorante. C’est une ville de garnison, fermée, gardée, comme en témoigne la présence des soldats sur la Bastille et la construction des dernières fortifications. L’armée d’Orient est basée à Grenoble, des zouaves circulent dans les rues au grand étonnement des dauphinois !

Saint-Martin-le-Vinoux commençait à la Porte de France, avec le quartier ouvrier de l’Esplanade. Les maisons du village étaient rassemblées autour de l’église ( rebâtie en 1835), et le hameau de la Buisserate au pied du Néron.
Au pied du coteau du Belvedere, la voie royale de 1620 est devenue " route impériale de Chalon-sur-Saône. Les voyageurs se déplacent à cheval ou en calèche et patache. Il faut du temps pour effectuer le moindre trajet, quitter le centre de Grenoble n’a donc pas le même sens qu’aujourd’hui. Or c’est ce que Jeanne Marie et Joseph décident de faire en faisant bâtir " maison de campagne". Les recherches d’archives permettent de connaît le maître d’œuvre Milly dit Brionnet qui a une gentilhommière à l’Esplanade, cet entrepreneur construira aussi les maisons des écoles, le castel Chantoiseau du cimentier Dumollard… et participera aux grands chantiers du musée bibliothèque, de la Préfecture.

Le rêve d’un petit palais orientaliste.
A partir du 27 janvier 1855 il commence à construire un parc exotique avec glacière, fontaines et sculptures, il consolide le jardin en terrasse et débute la construction de ce qui deviendra la villa néo-mauresque " Les Magnolias ". A 52 ans, Joseph Jullien dit Cochard passa commande aux meilleurs artisans pour réaliser trois façades en béton composées de moulures d’arabesques rehaussées de peinture bleu outremer. La technique des plus novatrices, est directement liée à la première cimenterie du département, celle de la Porte de France ouverte en 1842,(Grenoble deviendra le premier exportateur de ciment en Europe en 1880). Son imposante cheminée brune est toujours visible. Les roches qu’on extrait donneront le ciment naturel prompt qui servira à fabriquer moulage après moulage, les différents éléments architecturaux du bâtiment. (ancêtre du préfabriqué chaque éléments est moulé en atelier, puis monté sur place). La préfabrication est un innovation technique de l’industrialisation naissante. A ce jour, cette construction représente le plus ancien monument classé en béton. L’architecture est entièrement en " pierres factices ". 52 colonnes en " or gris " forment la structure porteuse de tout l’édifice et encadrent des vitrages polychromes jouant avec la lumière du soleil.
Les arcs outrepassés, les moucharabiehs, les colonnades, la façade en bois du jardin d’hiver, les motifs floraux ou étoilés… tout rappelle un Orient mythique d’un style recomposé. "Un unicum" dixit M. Botton, architecte en chef M.H.
Il reste des mystères sur le nom de l’architecte qui a œuvré pour cette création architecturale. Il est possible de pressentir la réinterprétation par des occidentaux de motifs connus dans le monde oriental (influences dans la mode européenne de " l’orientalisme " des turqueries et du Moyen-Orient. Peintres et sculpteurs du XIXe siècle immortalisent de belles mauresques, les récits de voyages exotiques se propagent en littérature… en pleine époque coloniale, existe un véritable engouement dans les milieux artistiques et populaires pour l’Orient, l’extrême Orient et l’Afrique.

Peut-être Jeanne Marie a-t-elle dans sa boutique des châles en cachemire, des plumes d’autruches, des tissus importés et parfums… en provenance de ces pays lointains peu à peu découverts? La propagande pour les colonies existe jusque dans les expositions internationales. ( dans les foires sont des vitrines de représentation des empires coloniaux. Un constat de 1873 fait état de décors et de mobiliers de style mauresque dans la villa dotée du confort moderne. Cochard réalise son rêve de petit palais orientaliste pendant 23 ans. (en 1878 débute le palais idéal du facteur Cheval). Ce bâtisseur commande un édifice à la hauteur de ses envies de voyages imaginaires. Tout comme ces oiseaux colorés ou ces fruits exotiques sur les papiers peints à la main des salons. Les palais, les minarets d’Istanbul et de la corne d’or idéalisent son quotidien dauphinois, l’exotisme offre une vision mirifique d’un monde entouré des jardins de la création…..

Il était une fois un palais d’amour dans un écrin de verdure
La singularité de ce petit palais fait naître la légende. Les anciens racontent par exemple que la demeure a été construite par " amour pour une belle orientale "… Nul n’ignore cependant que la tradition orale se nourrit de semie-vérité. Si Jeanne Marie l’hôtesse de maison n’est pas Schéhérazade, par contre sur les vitraux des chambres, de mystérieuses calligraphies en arabe classique parlent d’amour. Des petits cœurs bleus et des étoiles égrenés tout le long de la façade ajoutent encore à la poésie de ce fragile décor de château de sable. Des riverains parlent aussi de la " Maison du Pacha ". Pourtant point de sultan ou d’émir par ici mais bien une villa atypique faite pour être vue, de loin des routes qui l’encerclent et même du haut de la bastille ! Ses terrasses s’ancrent sur le rocher de Saint-Martin-le-Vinoux et surplombent l’Isère.
Un grand parc d’arbres de collection d’essences exotiques (arboretum) était orné de statues et de pièces d’eau pour constituer l’écrin naturel de ce joyau architectural : une serre de verres de couleur avec un jardin intérieur. C’est une folie à tous les sens du terme : un défi technique dépaysant, une création originale tout comme un bijou de verre sublimé par la nature qui l’entoure (le terme " folie " qui vient du latin " folium " signifiant " feuille "). Un majestueux magnolia grandiflora de 140 ans et un beau bassin baptistaire sont aujourd’hui les derniers témoins de la splendeur du vaste jardin ornemental.

En 1870, il devient membre de la société des amis du musée de Grenoble. Sur la liste des bienfaiteurs sur la plaque d'entrée en 1887 du HALL DE L'HOPITAL CIVIL, on peut remarquer "JULLIEN DIT COCHARD et JEANNE MARIE née LAVERRIERE
Les actes pour ses transactions sont nombreux entre les achats et vente de locaux au gré de sa fortune, ainsi que les contrats de négoce dont les engagements de fournir "fourrage et pains de troupe à la ration" avec l'administration de la Guerre. Il est Fourrager pendant la grande muette de 1861 à 1867 dans les départements des Bouches du Rhône, de l'Ain, de la Vienne et de l’arrondissement d’Annecy.

Dans une lettre du 15 avril 1878, il se nomme aussi "ancien maître de fonte".


Splendeur et misère : la belle histoire se termine.
Joseph Jullien dit Cochard se ruine pour cette " folie " orientaliste, une illusion entièrement en décors peints en trompe l’œil. (D’ailleurs, le maitre d’ouvrage a du manquer d’argent pour payer des artisans car les peinture à tempéra ne sont pas finies dans le haut de la montée d’escalier avec des motifs stylisés de tulipes sur fond rose).
Son épouse, décédée en 1873, le déshérite en léguant sa fortune à des œuvres de bienfaisance.

23 ans après le début de la construction de son domaine, il est contraint de céder la villa néo-mauresque à ses créanciers (voir photo des années 1870).

Il se remarie pour la troisième fois avec Alexandrine, une autre couturière. Il a 73 ans et elle 44 (29 ans d’écart). Mais les ressources ne s’améliorent pas.
A 71 ans, il crée une société de "commission en peaux " avec Eugène Louis Primat, jeune associé de vingt deux ans qui est le fils ainé de sa troisième épouse Alexandrine... Il doit vendre son appartement de la place Grenette, pour finir désargenté dans des locations à l’Ile Verte.
Ruiné en vingt trois ans pour cette folie orientaliste, Cochard dût la céder à ses créanciers en 1878, au docteur Minder ancien médecin des colonnies.
(Notons qu’en 1979 commence un autre palais idéal, celui du facteur Cheval d'Hauterives que fit classer André Malraux).
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Son roman s’achève dans son ultime demeure, un monument funéraire néo-classique dans le cimetière Saint Roch (case 129), à côté de ses deux premières femmes, avec cette émouvante épitaphe de son amour de jeunesse Rosine.
" Elle est là qui attend son époux, et sa mère et son père reposent prés d'elle"

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Depuis 24 ans, je vis mon quotidien dans un décor de roman, et on me demande de plus en plus souvent des textes comme celui-ci qui retracent un chemin de vie singulier que l’on retrouve comme un vaste polar grâce aux recherches d’archives d’étudiants ou de Denis Guignier…
Je commence a remplir un calendrier de toutes les dates clefs de 150 ans d'histoires
dans un vaste théatre emplit de personnages authentiques. Une saga de gens de peuple qui rêvaient de colonnades et d'arabesques bleues pour vivre milles et une nuits...
Le sieur Joseph Jullien

01 février 2005


Photo d'archives précieuse
remise par une dame âgée qui se souvient lorsqu'en enfant elle venait rendre visite à sa tante Hortense dont le mari un basque, avait une charcuterie réputée place Grenette. (Jacques Bourboutaa propriétaire de la villa des magnolias de 1922 à 1943)
Témoignage oral
"Pendant que les mères bavardaient en tricotant sur la terrasse haute, nous les enfants jouions dans le parc où nous attirait la cueillette des fruits. On se régalait de fraises, cerises, abricots, même des petites grenades. Une fois j'ai été tellement malade à en vomir, j'avais trop mangé des figues, en buvant aussi de l'eau, la canicule était torride dans le "Petit Nice". Des marquises étaient posées devant les fenêtres pour essayer de protéger du soleil. Il faisait très chaud l’été, très très froid l’hiver sous la neige. La tante Hortense avait son appartement tout confort et ne voulait pas dormir avec son mari dans la maison arabe car elle avait peur. Mais le dimanche elle recevait la famille, il y avait toujours des bonnes choses à table sur les nappes blanches.
Il y avait des cèdres du Liban immenses et des arbres aux fleurs blanches géantes qui sentaient si bons en juin (magnolias). Un arbre aux mille écus, un peu comme le Gingko biloba dans le parc de Chantoiseau du cimentier Dumollard.
Les enfants de la vierge Marie cueillaient des roses pour la procession de mai. Dans de petits paniers, ils déposaient des pétales de toutes les couleurs. A la sortie de l'église, ils en lançaient sur le cortège qui montait au vieux tilleul sur le cimetière, puis sur le chemin des croix. Le prêtre bénissait les champs avec des petites croix de bois pour avoir de bonnes récoltes et tous les paysans de Lachal, de Narbonne, les villageois chantaient même en latin !
Sur le grand mur de la voie royale de Lyon, ma tante mettait de grosses grappes de raisins sous du papier, elle se méfiait des piafs. Le Vinoux, c’est le bon vin de Saint Martin, le cavalier qui partageait son manteau en deux avec les pauvres.
Le poirier avait des bouteilles suspendues dans lesquelles grossissaient des poires. Avec de l'eau de vie, les hommes se régalaient en jouant à la belote. Ils buvaient du ratafia, de la liqueur des vieux garçons et bien sûr, du vin de noix. Aux feux de la Saint Jean, le solstice du 21 juin ( dans une bonbonne de verre mettre 40 noix + 40 sucres, attendre 40 jours de macération et filtrer). Chaque famille avait sa recette, certains rajoutaient une orange, c’est une hérésie. C'est comme le vrai gratin dauphinois, jamais on ne rajoute des œufs ou du gruyère, c'est les bourgeois riches qui pouvaient faire ça. Dans le four à pain, les mères venaient rajouter leurs gratins qui cuisaient tout doucement, un délice (Chut, le secret : c'est de mettre de l'ail au fond des plats de terre et une bonne tranche de lard dessus).
Il y avait un jardin d’hiver avec un eucalyptus jusqu’à la verrière du plafond (9 mètres). Elle se souvenait des bassins ornés d'une sculpture de grenouille et un autre vers l’Isère d'un joli petit bonhomme, il y en avait des poissons et des fleurs d'eau, des allées d’iris bleu au printemps qui viennent de Perse paraît’il, et des ronds de lavandes en plein été qu’on tressait pour mettre dans les placards contre les mites. La glycine bleu de Chine qui s’enroulait à la rambarde de la terrasse attirait les abeilles. Dans la maison du jardinier à l’octroi des fortifications, il y avait un potager de légumes pour faire la soupe, ils chapardaient des radis, de jeunes carottes, mais la maraude c’est défendu hein !
Il y avait des clapiers à lapins pour faire des pâtés. Et je crois des faisans dont nous ramassions les plumes pour jouer aux indiens
Avec mes cousines, on aimait bien aller à la "Guinguette" voir la tante Hortense
J’ai la mémoire qui flanche, je vous en dirai plus la prochaine fois
Vieille dame gourmande